Tourcoing, N.D. des Anges
Sommaire
Édifice
La première pierre du sanctuaire est posée en septembre 1845, sur un terrain offert la par veuve Destombes-Masurel. L'église inachevée est consacrée par l'évêque en mai 1849. Il s'agissait du deuxième sanctuaire de la paroisse St Jacques constituée en 1802, le premier étant la chapelle du couvent des Récollets (XVII° siècle). Par ailleurs, un couvent du même nom existait depuis le XIII° siècle.
L'église N.D. des Anges, construction néoclassique au mobilier Second Empire extrêmement riche et quasiment intact, mériterait à elle seule un site. La statuaire a fait l'objet d'un relevé très précis, malheureusement non publié. L'édifice a été endommagé récemment par l'explosion d'une bouteille de gaz lors de travaux sur la toiture, explosion qui a soufflé de nombreux vitraux en partie supérieure de la nef. Les ouvertures ont été provisoirement occultées avec du contreplaqué. En 2012, les vitraux ont été refaits à neuf et, semble-t-il, à l'identique. L'église est actuellement (2012) fermée au public, bien que son état ne soit pas pire que celui de bien d'autres... mystères de l'administration.
Elle devrait être de nouveau accessible en 2024, après travaux, et devenir un "lieu culturel". On espère que le mobilier restera intact.
L'église est souvent nommée "Notre Dame", sans autre précision.
Historique
L'orgue de Notre Dame, construit par la maison Ducroquet de Paris, fut acquis en 1849 ; c'était un des premiers orgues à disposer d'un levier pneumatique. L'orgue de St Étienne (chapelle de l'hôpital militaire) à Lille, de Daublaine & Callinet, devait en être assez proche.
En 1864, le facteur Barker le restaura et y ajouta trois jeux de 16' et six jeux de 8', portant à 41 leur nombre total ; il s'aperçut que la soufflerie à main devenait trop dure et la remplaça par un mouvement actionné au pied, qui se fatigua rapidement, suscitant des plaintes de la part des souffleurs. Le 13 octobre 1888, Jean-Baptiste Wibaut, maître de chapelle à Tourcoing, envoie aux frères Édouard et Théophile Delmotte une copie d'une lettre qui lui avait été adressée une semaine auparavant par Aristide Cavaillé-Coll, de Paris. Dans celle-ci, on apprend qu'il est question à ce moment de la "restauration de l'orgue de N.D.", et que les Delmotte avaient établi un devis pour ce travail. Cavaillé-Coll estime que le prix demandé par les facteurs tournaisiens n'est "nullement exagéré", et estime les Delmotte plus "capables et dignes de confiance" que "l'autre facteur au rabais" (vraisemblablement Anneessens).
Les Delmotte recopièrent le devis adressé par Anneessens en 1888 au doyen de Notre-Dame ; voici quelle était, selon ce document, la composition de l'orgue à cette époque :
Grand-Orgue | Positif | Récit expr. | Pédale |
Montre 16 | Bourdon 16 | Flûte 8 | Flûte 16 |
Montre 8 | Bourdon 8 | Dulciana 8 | Contrebasse 16 |
Bourdon 8 | Salicional 8 | Bourdon 8 | Violoncelle 8 |
Gambe 8 | Flûte 8 | Gambe 8 | Flûte 8 |
Flûte 8 | Gambe 8 | Voix céleste 8 | Flûte 4 |
Quintaton | Flûte 4 | Flûte 4 | Bombarde 16 |
Prestant 4 | Dulciana 4 | Cor anglais | Trompette 8 |
Cornet | Doublette 2 | Trompette | Clairon 4 |
Clarinette 16 | Trompette 8 | Hautbois | |
Euphone 8 | Clairon 4 | Voix humaine | |
Trompette 8 | Plein-jeu | ||
Clairon 4 |
Pédales de combinaison : Octaves aiguës récit ; accouplements R/GO, Pos/GO, appel machine GO, octaves graves GO, Tirasse GO, appel des anches du GO, expression du récit, tremolo.
Les recommandations de Cavaillé-Coll auront porté leurs fruits puisque, le 7 juillet 1894, les frères Édouard et Théophile Delmotte signent le contrat d'une "grande restauration" de l'orgue de Notre Dame. Les Delmotte avaient d'ailleurs entretenu cet orgue par abonnement (150 F/an) depuis 1877, et en avaient remplacé la soufflerie en février 1886 pour 1750 F.
L'instrument avait été prévu à traction mécanique (pour les claviers) au contrat ; les facteurs tournaisiens vont cependant construire à Notre-Dame un orgue "pneumatique tubulaire à membranes" du système Weigle, procédé de construction que les Delmotte avaient déjà expérimenté pour les orgues d'Esquermes et de Marquette. De plus, bien qu'il ne le soit pas clairement précisé dans le contrat de construction, la pédale du nouvel orgue utilisera le dédoublement : trois jeux "étendus" composeront les flûtes (16, 8, 4), les anches (16, 8, 4) et les quintes. Voici la disposition de l'instrument figurant au procès-verbal de réception :
Grand Orgue | Positif expr. | Récit expr. | Pédale |
Montre 16 | Flûte harmonique 8 | Bourdon 16 | Fûte ouverte 16 |
Bourdon 16 | Salicional 8 | Flûte traversière 8 | Contrebasse 16 |
Montre 8 | Gambe 8 | Gambe 8 | Flûte ouverte 8 |
Flûte harmonique 8 | Bourdon 8 | Cor de nuit 8 | Violoncelle 8 |
Gambe 8 | Quintaton 8 | Voix céleste 8 | Flûte ouverte 4 |
Bourdon 8 | Unda maris 8 | Flûte douce 4 | Quinte 12 |
Prestant 4 | Flûte octaviante 4 | Octavin harm. 2 | Quinte 6 |
Plein jeu | Quinte-flûte 3 | Piccolo 1 | Bombarde 16 |
Cornet | Doublette 2 | Trompette8 | Trompette 8 |
Basson 16 | Clarinette 8 | Cor anglais 8 | Clairon 4 |
Trompette 8 | Trompette 8 | Basson-Hautbois 8 | |
Clairon 4 | Voix humaine 8 |
Manuels de 56 notes, pédalier de 30 notes.
Boutons de combinaisons (les indications entre guillemets sont fournies par une lettre de Puget) : I - "les huit pieds doux" II - "tous les huit pieds" III - "+ les 16' et 4' " IV - "+ mutations et anches douces" V - "Grand choeur"
Pédales de combinaison :
Tonnerre / Tirasses GO, P, R / Anches Pédale, GO, P, R, générales / Octave grave au GO / Octave aiguë au R / Accouplements P/GO, R/GO, R/P
Trémolos P, R ; expressions P, R ; crescendo général
Édouard et Théophile Delmotte avaient commandé la console de cet instrument à Théodore Puget (Toulouse), qui avait l'exclusivité du "système Weigle" pour la France. Ce fut la source pour eux de bien des déboires, qu'une abondante correspondance entre les deux maisons permet de suivre.
L'inauguration de l'instrument eut lieu le mardi 21 juillet 1896. Les claviers furent tenus par Frédéric Dubois, Gabrielle Delmotte et G. Meyer, organiste de St Martin à Roubaix. On apprend dans le programme édité à cette occasion que "la soufflerie [était] actionnée par une dynamo électrique".
Les pièces suivantes furent exécutées :
Par Frédéric Dubois, organiste titulaire : Widor, Toccata ; Par Mlle Gabrielle Delmotte : Marche solennelle, Mailly ; Prélude (de Struensee), Meyerbeer ; Romance, Wagner ; Carillon, Clérambault ; Allegretto de la 5° symphonie, Widor ; Cantilène, Mailly ; Concerto en fa majeur (le coucou et le rossignol), Haendel. Par G. Meyer : 1° sonate en fa mineur, Mendelssohn ; Lied, Gigout ; Berceuse, Rousseau ; Rhapsodie, Saint Saëns ; Andantino, Meyer ; Fanfare triomphale, Haendel. Après l'O Salutaris : Toccata, Meyer.
L'expertise, qui eut lieu le matin même de l'inauguration, est détaillée et élogieuse :
Les experts [Koszul, Meyer, Dr Bédart, Abbé Lemay], dès l'ouverture de l'élégante console placée en avant du buffet, ont été frappés de voir les anciens boutons du tirage des registres remplacés par une série de 45 touches en ivoire, formant comme une sorte de quatrième clavier. Le simple abaissement de ces touches suffit à appeler les jeux correspondants des trois claviers manuels et de la pédale, ce qui permet d'orchestrer avec une grande rapidité.
Cependant, la commission d'expertise regrette que les anches "dites en larmes de la maison Daublaine et Callinet de Paris" aient été conservées, car "les jeux de fonds ont beaucoup gagné en rondeur et en sonorité et les jeux d'anches par contraste n'ont plus, dans le grand chœur, l'effet dominant qu'ils doivent produire". C'est pourquoi ils conseillent de les remplacer par "des anches à canal semi-cylindrique".
Le prix de l'orgue avait été estimé à 13 500 F dans le contrat de construction ; il passa à 18 000 F comme suite aux modifications qui y furent apportées. Les facteurs demandèrent à récupérer "l'ancien buffet du positif" ; ils le réutiliseront dans l'orgue qu'ils construiront en 1898 au couvent de Celles.
L'orgue est entretenu par abonnement (150 F/an) jusqu'en 1914.
Le 21 juin 1909, Théophile Delmotte & Fils entament "le nettoyage et la restauration de l'orgue suivant devis du 3 mai 1909" pour 4670 F.
En juillet 1920, Maurice Delmotte perçoit 8500 F pour avoir "placé une nouvelle façade en zinc" (la montre ayant été pillée en 1917 comme partout). Le 20 août de la même année, il perçoit 750 F pour avoir "remplacé les membranes à tous les sommiers".
Une restauration eut lieu, exécutée par Coupleux[1] et conduisant à une nouvelle inauguration le dimanche 24 juillet 1927, avec le concours de Paul Scherpereel (titulaire) et de Marcel Dupré. Lors de la messe de 10h furent exécutés par Paul Scherpereel : Bénédiction : Marche pontificale, de Lemmens ; Graduel: Minuetto, de Gigout ; Offertoire : 3° choral de Franck ; sortie : Toccata, de Mailly. A 15h : Marche triomphale de Cappocci, par P. Scherpereel ; puis sous les doigts de Marcel Dupré : Toccata, adagio et fugue en ut majeur, J.S. Bach ; Grande pièce symphonique, C. Franck ; Variations de la V° symphonie, Ch. M. Widor ; Prélude et fugue en sol mineur, M. Dupré ; improvisation de Marcel Dupré. Enfin, au salut solennel : Méditation, de Dubois ; Finale, marche, de Boëllmann.
La composition relevée par Marcel Dupré[2] était :
I - Grand Orgue | II - Positif | III - Récit expr. | Pédale |
---|---|---|---|
Montre 16 | Flûte 8 | Bourdon 16 | Contrebasse 16 |
Bourdon 16 | Bourdon 8 | Flûte 8 | Flûte 16 |
Montre 8 | Gambe 8 | Cor de nuit 8 | Bourdon 16 |
Flûte harm. 8 | Quintaton 8 | Gambe 8 | Quinte 12 |
Gambe 8 | Salicional 8 | Voix céleste 8 | Flûte 8 |
Bourdon 8 | Unda maris 8 | Flûte 4 | Violoncelle 8 |
Prestant 4 | Flûte 4 | Octavin 2 | Bourdon 8 |
Plein jeu | Nazard 2 2/3 | Basson 16 | Quinte 6 |
Cornet | Doublette 2 | Trompette 8 | Flûte 4 |
Bombarde 16 | Trompette 8 | Hautbois 8 | Bombarde 16 (a) |
Trompette 8 | Clarinette 8 | Voix humaine 8 | Trompette 8 (a) |
Clairon 4 | Clairon 4 | Clairon 4 (a) |
(a) "oubliés" sur le relevé de Marcel Dupré (mais il avait bien compté 12 jeux)
Combinaisons : Orage ; Tirasses GO, P et R ; Anches GO, P R et Pédale ; Tutti ; CL [combinaison libre ?] ; Octaves graves GO ; accouplements P/GO, R/GO, R/8 en 8' et 4' ; Tremolo P, tremolo R.
Cinq combinaisons fixes et annulation.
Composition relevée vers 1950 :
Grand Orgue | Positif expressif | Récit expressif | Pédale |
Montre 16 | Flûte 8 | Bourdon 16 | Quintaton 32 |
Bourdon 16 | Gambe 8 | Flûte 8 | Contrebasse 16 |
Montre 8 | Bourdon 8 | Cor de nuit 8 | Flûte ouverte 16 |
Flûte harmonique 8 | Quintaton 8 | Gambe 8 | Bourdon 16 |
Gambe 8 | Salicional 8 | Voix céleste 8 | Flûte 8 |
Bourdon 8 | Unda Maris 8 | Flûte 4 | Violoncelle 8 |
Prestant 4 | Flûte 4 | Octavin harmonique 2 | Bourdon 8 |
Plein jeu | Quinte flûte 3 | Basson 16 | Quintaton (a) |
Cornet | Doublette 2 | Trompette 8 | Flûte 4 |
Bombarde 16 | Trompette 8 | Basson Hautbois 8 | Bombarde 16 |
Trompette 8 | Clarinette 4 [sic] | Voix humaine 8 | Trompette 8 |
Clairon 4 | Clairon 4 | Clairon 4 |
(a) probablement la quinte 10 2/3
Époque contemporaine
L'état actuel de l'orgue fait suite à des travaux divers et importants (électrification, console en fenêtre...) dont les plus récents remontent à Cogez, années 90.
Description
Orgue à trois claviers de 56 notes et pédalier de 30 notes. Un seul corps (buffet remontant à Ducrocquet); la console retournée posée par Delmotte a fait place à une console en fenêtre. Traction et registration électropneumatiques.
Composition
I - Grand orgue | II - Positif | III - Récit | Pédale |
Montre 16 | Bourdon 8 | Bourdon 16 | Contrebasse 16 |
Montre 8 | Viole 8 | Cor de nuit 8 | Soubasse 16 |
Bourdon 8 | Principal 4 | Flûte 8 | Flûte 16 |
Flûte harmonique 8 | Flûte 4 | Gambe 8 | Quinte 10 2/3 |
Prestant 4 | Nazard 2 2/3 | Voix céleste 8 | Flûte 8 |
Doublette 2 | Quarte 2 | Principal 4 | Bourdon 8 |
Cornet V | Tierce 1 3/5 | Octavin 2 | Violoncelle 8 |
Fourniture III | Larigot 1 1/3 | Mixture IV | Quinte 5 1/3 |
Fourniture V | Plein-jeu V | Basson 16 | Flûte 4 |
Cymbale V | Trompette 8 | Trompette 8 | Bombarde 16 |
Bombarde 16 | Clarinette 8 | Hautbois 8 | Trompette 8 |
Trompette 8 | Clairon 4 | Clairon 4 | |
Clairon 4 | Courdent 8 |
Le "Courdent 8" est une trompette en chamade.
Accouplements: Pos./G.O., Réc./G.O., Réc./Pos. Tirasses: G.O., Pos., Réc. en 8' et 4'. Appel d'anches: Péd., G.O., Pos., Réc., Général. Tremblant: Pos., Réc.
Tempérament égal.
Organistes
1845 - 1859 Léon Dejaegher
1859 - 1866 Frédéric Boissière
1866 - 1874 Louis Rosoor
1874 - 1876 Bouche
1876 - 1887 Jean-Baptiste Heintzman
1887 - 1889 Henri Moerman[3]
1889 - 1899 Frédéric Dubois
1899 - 1924 Édouard Camus
1924 - 1977 Paul Scherpereel
1977 - ... René Courdent
Maîtres de chapelle
Edmond Catteau ; André Chabot (également organiste au S.C. de Tourcoing)
État
Très bon en 2009. Il est régulièrement entretenu par son titulaire, M. René Courdent. Il est tout aussi régulièrement joué par le titulaire et de nombreux élèves de celui-ci.
L'harmonium à deux claviers dans le bas-côté Nord (Kasriel) est en bon état. Il accompagnait naguère les enterrements de 3° et 4° classe. Autres temps...
Sources
- Mémoire R. Servais sur la Manufacture Delmotte
- Entretiens avec le titulaire, visites.
- Histoire de Tourcoing, sous la direction l'Alain Lottin, Éditions des Beffrois
- Fonds Jean Cau des Archives Départementales du Nord
- JdR 16/07/1896, 23/07/1896
- Notes sur les orgues, Marcel Dupré, cote RES VM DOS-226, BnF
- Chronologie des organistes et maîtres de chapelle établie selon des notes de M. Gérard Scherpereel.