En voici le compte-rendu d'inauguration, paru dans le journal de Roubaix (édition du 3 septembre 1869):
''<em>Les Roubaisiens n'ont certes pas trempé trompé notre attente ; nous pensions bien que tous les amateurs de musique, (et notre ville en compte un très-grand nombre), se donneraient rendez vous dans l'église Saint-Martin pour l'inauguration solennelle du grand orgue. Et, en effet, bien avant l'heure indiquée, l'église était envahie par une société d'élite, accourue pour entendre deux organistes dont la réputation est européenne, MM. Alexandre Guilmant, de Boulogne-sur-mer, et Alphonse Mailly, de Bruxelles. Comme l'a dit si éloquemment M. l'abbé Deroubaix, dans son admirable discours, digne préliminaire du concert spirituel dont nous avons été les heureux auditeurs, les immenses cathédrales et les grandes basiliques de pierre, nouvelles statues de Memnon, s'illuminent d'une plus vive lumière aux rayons du soleil de l'inspiration et rendent à leur tour un son sublime et mystérieux quand les princes de la musique religieuse font entendre leurs magiques accords. Et nous pouvions méditer celle belle pensée quand M. Mailly, dans les variations sur O Sanctissima, nous révélait un organiste du plus grand mérite, unissant à une étonnante dextérité, l'expression la plus exquise, le sentiment le plus suave. Tour à tour fougueux, plein d'énergie, puis tendre, mélancolique, il étonne, il transporte son auditoire par des traits d'une audace effrayante, ou bien il l'émeut par des chants d'une tendresse, d'un charme indéfinissables. Tels sont les sentiments que nous éprouvions en écoutant un Andante, puis une Fantaisie originale de la composition de M. Mailly.</em>
<em>M. Alexandre Guilmant s'est révélé à nous comme un virtuose éminent, et de plus, comme un compositeur hors ligne. Dans sa Marche funèbre, il y a des développements tellement heureux, unissant si bien la mélodie à l'harmonie la plus piquante et la plus originale, que nous imaginions entendre une composition de Meyerbeer, quelque chose comme l'admirable ouverture de Struensée. Puis le chant séraphique nous transportait en un clin d'œil aux régions éthérées. Il nous semblait voir s'ouvrir le ciel et entendre le chant sublime les chérubins et des séraphins au pied du trône de l’Éternel. Et quel doigté extraordinaire il faut pour exécuter la Toccata et la Fugue en ré mineur de J.S. Bach. C'est un pêle-mêle inextricable de notes et d'accords se croisant en tous sens, et se multipliant à l'infini.</em>