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Sommaire

Édifice

Selon Wikipédia, l'église daterait du XIX° siècle seulement. Les restes de buffet qui ornent l'orgue actuel, s'ils proviennent de l'orgue de Cornil Cacheux (cf. ci-dessous), ont dû connaître une histoire mouvementée.

Historique

Ancien orgue

Un orgue y aurait été construit par Cornil (ou Corneille) Cacheux. Voici la notice biographique de C. Cacheux selon l'inventaire des orgues du Pas-de-Calais :

"Corneille Cacheux, né à Cambrai en janvier 1687, commença sa carrière de facteur d'orgue en 1714 dans la ville natale où il épouse Marie-Thérèse Dufaye. Il aura cinq enfants. Vers 1722, il s'établit à Arras où il devient propriétaire de la maison dite des trois Filloires qu'il tient en fief de l'abbaye. Une lettre du 25 août 1728 accompagnant un projet d'orgues pour Calais révèle qu'il avait à cette date exécuté quarante-cinq orgues. Il a travaillé à Malines, en actuelle Flandre occidentale belge et en France (Arras, Calais, Lillers, Mont Saint-Éloi). Il meurt, le 10 juillet 1738, sans avoir terminé l'orgue de l'abbaye d'Anchin."

Orgue actuel

Selon J.C. Guidarini, qui a pu consulter les archives de la maison Puget, cet orgue est un ancien orgue de salon, livré par Jean-Baptiste Puget à Monsieur Pascalin, filateur à Hellemmes (Lille) en 1898. Je cite ici une partie du courrier électronique qu'il m'a adressé :

"C'est en effet le seul instrument comportant à la fois 3 claviers, 16 jeux et deux boites expressives qu'ils ont construit non seulement dans le Nord mais durant toute la période d'activité de Jean-Baptiste PUGET (entre 1892 et 1922).

Il est à noter que le grand livre des travaux de la Maison Puget nous donne les informations suivantes :

1898 - Hellemes-Lille : Mr Pascalin (filateur) - Salon - 3 claviers - 16 jeux - Neuf - Vendu

Les 3 claviers, les 16 jeux et le fait qu'il ait été vendu correspondent. Toutefois, dans un autre livre comportant des compositions d'orgues, on trouve la composition suivante, avec 12 jeux seulement :

Gruson, N.D. de la Visitation - projet Puget pour M. Pascalin, Hellemmes
 1° clavier  2° clavier  3° clavier  Pédale
 Principal 8  Gambe 8  Cor de nuit 8  Bourdon 16
 Bourdon harmonique 8  Voix céleste 8  Salicional 8  Bourdon 8
 Flûte octaviante 4    Octavin 2  
     Trompette harmonique 8  
     Voix humaine 8  

2 tirasses, 2 appels, 2 expressions, 2 octaves graves, 2 trémolos, 3 boutons d'appel de jeux, 2 annulateurs.

Cette composition contredit les infos du grand livre des travaux et celle de l'orgue actuel qui parait correspondre à celle sous-entendue par le grand livre. Que faut-il en penser ? Je ne sais pas ? Les Puget sont habituellement assez précis dans leurs relevés. L'orgue aurait-il été fait en deux temps ? C'est peu probable, il y aurait une mention dans le grand livre des travaux.

Peut-être la composition ci-dessus est-elle un premier projet qui aurait été ensuite remanié et complété pour arriver à la disposition actuelle ? On pourrait le penser d'autant qu'il y a quand même des caractéristiques communes (ondulants au Positif, composition du Récit assez semblable, pédales de combinaisons...). Sur les photos figurants sur votre site, on voit qu'il s'agit bien de matériel de JBP. Sommier, transmission, clarinette à pavillon, etc. Une autre chose vient confirmer mon hypothèse, c'est l'orgue proprement dit que l'on voit j'imagine en gris derrière le buffet. Cette grande "caisse" ressemble étrangement à celle que l'on voit sur une photographie de Jean-Baptiste Puget dans son atelier devant l'orgue en construction de Monsieur Pascalin (voir photo jointe)."

(à insérer)

En effet, cet instrument ressemble en tout point à celui actuellement installé à Gruson ; en particulier, on reconnaît les pavillons de trompette harmonique et les dessus postés. Un bourdon de 16 semble placé derrière l'ossature des boîtes expressives : il est actuellement devant (aberration liée au déménagement de l'orgue). Les boiseries à droite sont une énigme : seraient-elles destinées à accueillir le sommier du Grand Orgue ?

L'instrument, dans son emplacement actuel, est partiellement habillé de boiseries de récupération (de l'ancien orgue ?), sommairement retaillées. La balustrade de la tribune elle-même semble hétérogène. Le facteur n'a pas laissé de marque de fabrique sur la console, d'une ébénisterie très soignée. Cet orgue a connu plusieurs interventions de la manufacture Delmotte, très active dans la région.

Selon M. Bernard Hédin (technicien-conseil) et M. Delahaye (inventaire des orgues du Nord), merci à eux : "L'orgue actuel aurait été installé en remplacement d'un instrument de Cornil Cacheux, donné jadis par Soeur Agnès le Vast et sa mère. Placé par la maison Théodore Puget, de Toulouse, il fut inauguré le 24 avril 1905".

Ci-dessous la copie de la notice d'inauguration, toujours selon les mêmes sources :

(à insérer)

Le site "archives historiques de Gruson" (consulté 4/2015) donne en outre les précisions suivantes :

En décembre 1901, M. Marcel Plaideau fit installer l’orgue actuel de l’église en remplacement de celui donné jadis par Sœur Agnès Le Vast et sa mère : Cacheux en avait été le constructeur.

Le nouvel orgue fut fabriqué par la maison Théodore Puget de Toulouse et donné en location à la Fabrique de l’église pour 9 années, selon un bail du 8 décembre 1904 (mesure de sage précaution en ces temps difficiles).

Buffet

Orgue à trois claviers de 56 notes et pédalier de 30 notes. Traction et registration tubulaires (système Weigle).

Les boiseries sculptées et sciées ont probablement récupérées sur l'ancien orgue de Gruson, qui semble avoir survécu à la révolution (cf. aussi l'historique des interventions, ci-dessous), ou tout autre instrument antérieur au Puget, et ce dès l'installation de ce dernier à Gruson (la notice ci-dessus en fait foi). Seule la boîte expressive viendrait de l'orgue Puget dans son installation primitive chez M. Pascalin. On peut aussi se demander ce qui habillait initialement le grand orgue : l'ébénisterie très soignée de la console devait bien avoir un équivalent...

Interventions

La manufacture Delmotte a eu l'amabilité de consulter ses archives ; voici les éléments recueillis :

  • 1887 : les frères Delmotte envoient un devis de restauration [il s'agit sans doute de l'ancien orgue de Cornil Cacheux]
  • 1911 : Maurice Delmotte répare la soufflerie de l'orgue, pour 20 Fr.
  • 1912 : Maurice Delmotte accorde l'orgue, pour 20 Fr.
  • 1924 : "Le 31 janvier 1924, M. Bax, organiste, demeurant à Anvers, a bien voulu venir rendre la sonorité et la vie à notre orgue, muet depuis plusieurs années. Cette remise en état fit la joie des choristes et surtout de M. François Decalonne qui aimait tant son instrument. C’est surtout à la demande de M. l’abbé Plaideau que M. Bax avait consenti à travailler." (source : archives de la paroisse, cf. lien dans les Sources)
  • 1987 : la manufacture Delmotte examine l'instrument pour devis en 1988 : travaux de réglage, accord sommaire ; 1989 : petits travaux de réglage

État actuel (2009)

Injouable. Il semble avoir encore été utilisé pour la liturgie jusqu'en 2003, comme en témoignent les programmes d'enterrements trouvés sur la console.

L'orgue a subi des dérangements (notamment lors d'interventions sur le clocher). Quelques tuyaux sont déposés, certains en piètre état. En revanche, le matériel sonore semble à peu près complet et d'origine. L'état d'entretien de l'édifice et de la tribune est bon. La transmission pneumatique ne fonctionne presque plus (gravats et poussière bloquent nombre de soufflets), mais les matériaux (peaux, tubulures, pièces en bois) semblent de bonne qualité et bien finis.

Quel avenir ?

Je me permets une fois de plus de citer M. Guidarini :

Il me parait évident qu'il faut conserver à l'orgue sa transmission pneumatique. Malgré tout ce que l'on peut dire sur ce système, je connais en Allemagne et en Italie des instruments fonctionnant parfaitement avec une telle traction. [tiens, moi aussi...] Près de Toulouse, l'orgue de Lautrec, premier orgue pneumatique de Jean-Baptiste PUGET (1893) fonctionne merveilleusement bien et la précision de la traction est redoutable ! [...] J'ai été moi-même organiste à Espalion (JB Puget, 1896) où la traction fonctionne très bien ! [...]

Il n'existe quasiment plus d'orgue de salons de Jean-Baptiste PUGET, ceux-ci ont été quasiment tous vendus, en général à l'occasion du décès du propriétaire, ce serait dommage de ne pas le conserver ! Ce type d'orgue avec une telle composition n'est certes pas dans le vent, mais bon, on est en droit de ne pas souscrire aux caprices de la mode ! N'oublions pas Cocteau : "La mode, c'est ce qui se démode"...

M. Guidarini termine en précisant que de nos jours encore, il existe des facteurs capables de restaurer de tels instruments, traction pneumatique comprise.

Composition

La nomenclature des jeux est celle relevée à la console en 2008. Entre crochets, les noms figurant sur la notice d'inauguration.

 
Composition de l'orgue Puget (...-1905) à ND. de la Visitation, Gruson
 I - Grand orgue  II - Positif  III - Récit  Pédale
 Flûte 8 [Montre 8]  Principal 8  Flûte harmonique 8  Soubasse, 16 [bourdon 16]
 Gambe 8  Eoline 8  Flûte octaviante 4 [Flûte douce 4]  Basse 8 [Flûte 8]
 Prestant 4  Voix céleste 8  Octavin 2  
 Plein Jeu [3 rangs]  Flûte octaviante 4  Trompette harmonique 8  
   Clarinette 8  Basson & Hautbois 8  

Combinaisons :

Pos/GO, R/GO, Octaves graves Pos, Octaves aiguës R ; Tirasses GO, R Expression Pos+GO, Expression R, Appels Pos, R

Organistes

Le site référencé ci-dessus (cf. aussi "Sources") donne au moins un nom, et une photo ; citation in extenso :

Puisque nous venons de parler des orgues, ce nous est un devoir bien doux de rappeler le nom de cet excellent « Parrain François ».

<a><img src="http://paroisse.emmanuel.free.fr/Archives_hist/Gruson/images/Arch_V6_small.jpg" alt="François Decalonne" width="59" height="100" border="2" /></a>

(c) inconnu

M. François Decalonne succéda à son frère comme organiste, vers l’âge de 18 ans, c’est-à-dire vers 1863.

Le jour de Noël 1922, M. le chanoine Dervaux, au nom de Mgr l’Évêque de Lille, lui remettait la décoration pontificale Pro Ecclesia et Pontifice.

« Cette décoration très honorable et très distinguée lui est accordée par le Souverain Pontife pour récompenser et honorer soixante années de dévouement à l’église de sa paroisse, comme chantre et comme organiste ». (Paroles de M. Durant, curé de Gruson.)

M. Decalonne est resté en exercice jusqu’au Jeudi-Saint 18 avril 1935. Il est décédé le 24 avril 1935, après quelques jours de maladie. Il était dans sa quatre-vingt-dixième année. Il était doyen des organistes de France. Ce fut S. G. Mgr Despatures, évêque de Mysore, qui donna l’absoute lors des funérailles. Ancien combattant de 1870-1871, « parrain François » tenait les orgues à Gruson depuis plus de 73 ans !

Photos

Première série :


Deuxième série :


Sources

Communications B. Hédin et E. Delahaye.

Archives Delmotte

Archives Puget (consultées par M. Jean-Claude Guidarini)

Site sur les archives de la paroisse de Gruson