Lille, Conservatoire - Grand auditorium
Sommaire
Édifice
Le grand auditorium est une salle ovale, avec fenêtres en partie supérieure et plafond concave.
Devis Delmotte (1898)
Le 22 novembre 1898, la Commission de Surveillance du Conservatoire National de Musique, succursale de Lille, écrit aux frères Delmotte pour leur demander un devis d'orgue à trois claviers et pédale indépendante à placer dans la salle des concerts. Le prix de l'instrument est fixé à 12.000 Fr et il est demandé une tirasse et un appel d'anches à chaque clavier, et que ces derniers puissent tous être accouplés entre eux. Les facteurs tournaisiens répondent en envoyant, deux jours plus tard, le projet suivant :
Projet Delmotte 1898 | |||
Grand Orgue | Positif expressif | Récit expressif | Pédale séparée |
Bourdon 16 | Salicional 8 | Flûte traversière 8 | Soubasse 16 (a) |
Montre 8 | Unda Maris ou Voix céleste 8 | Diapason 8 | Flûte ouverte 8 |
Flûte harmonique 8 | Bourdon 8 | Octavin harmonique 2 | |
Gambe 8 | Flûte octaviante 4 | Basson-Hautbois 8 | |
Prestant 4 | Clarinette 8 | ||
Trompette 8 |
(a) ou contrebasse ouverte selon la place disponible
Pédales de combinaisons : trois tirasses, P/GO, R/GO, R/P, Appels anches GO, P, R ; expression P, R ; tremolo P, R
L'instrument, de traction entièrement mécanique, était proposé au prix de 15.000 Fr. Il ne fut pas donné suite à cette proposition.
Orgue Théodore Puget (1900)
Un devis de Théodore Puget relatif à l'orgue du Sacré Coeur de Lille, daté d'octobre 1899, mentionne la pose prochaine d'un orgue de 3 claviers et 26 jeux pour le conservatoire.
Ce qui suit m'a été communiqué par M. Jean-Claude Guidarini (merci infiniment) :
L'orgue du Conservatoire de Lille a été construit par Jean-Baptiste PUGET, 3ème directeur de la manufacture Théodore Puget, père et fils de Toulouse. Il a été inauguré le 8 avril 1900 par Charles-Marie Widor, sous la présidence de M. André Michel, conservateur du Musée du Louvre (!). Le programme était le suivant :
- Haendel : Concerto en fa (joué par M. Bruggeman)
- Widor : Andante de la 2ème symphonie (joué par l'auteur)
- Bach : Air de la Passion (chanté par Mlle Vion)
- Franck : 3 pièces brèves : Andante con moto, Allegretto, Adagio
- Daquin : Le Coucou (jouées par M. Bruggeman [Franck + Daquin])
- Bach : Arioso de la Passion (chanté par M. Engels)
- Widor : Sélection de la Vème symphonie : Allegro, avec variations - Cantabile - Méditation - Toccata (jouée par l'auteur)
- Bach : Air de la Passion (chanté par Mlle Vion)
- Bach : Toccata et fugue en ré mineur (jouée par M. Widor)
La composition de l'orgue était la suivante :
Composition de l'orgue Puget (1900) | |||
I - Grand-Orgue (56 n.) | II - Positif expressif (56) | III - Récit expressif (56) |
Pédale (30 notes) |
Bourdon 16 | Flûte harmonique 8 | Cor de nuit 8 | Flûte ouverte 16 |
Principal 8 | Diapason 8 | Gambe 8 | Flûte basse 8 |
Salicional 8 | Unda Maris 8 | Voix céleste 8 | Basson 16 |
Bourdon 8 | Flûte douce 4 | Flûte octaviante 4 | Basson 8 |
Prestant 4 | Doublette 2 | Cornet-Carillon 3 rangs | |
Trompette 8 | Plein jeu 5 rangs | Trompette harmonique 8 | |
Clairon 4 | Physharmonica 8 | Hautbois-Basson 8 | |
(Anémomètre) | (Trémolo Positif) | Voix humaine 8 |
3 boutons de combinaison pour les jeux du Grand-Orgue et de la Pédale : Dolce, Forte, Tutti
Pédales de Combinaison : Orage ; Tirasses GO, Pos, Réc ; Anches Péd, GO, Pos, Réc ; Expressions Pos, Réc ; Trémolo Réc
Appel GO, Pos/GO, Réc/GO, Réc/Pos
Transmission tubulaires à tous les claviers avec relais pneumatiques à vent fort. Sommier de Récit à double laie. Sommier de Positif à double chape. Sommiers de GO et de Pédales à vent séparé pour chaque jeu. 4 réservoirs fournissant à chaque sommier du vent de pressions différentes.
Le 11 décembre 1902, l'organiste Deckers y interprète le 3° choral de Franck, au cours d'un concert où l'on entend aussi une ouverture de Franz von Suppé et le concerto de Vieuxtemps, la soliste étant une élève du conservatoire âgée de douze ans[1].
Le 18 avril 1921, il accueillit Marcel Dupré pour un récital avec orchestre (dir. Victor Gallois). Le programme interprété par Marcel Dupré était : concerto inédit de Haendel (le journal ne précise pas avec ou sans orchestre), Sonate [sic] et fugue en ré mineur de J.S. Bach, enfin prélude et fugue en sol mineur de Dupré, "extrêmement délicat et d'une disposition moderne" selon le journaliste[2]. Marcel Dupré s'était annoncé comme "organiste de N.D. de Paris" à ce concert aussi, alors qu'il était remplaçant, et l'on sait que le titulaire de l'époque, Louis Vierne, lui en a tenu rigueur.
Peu avant la transformation par Jacquot-Lavergne en 1959, Jean Cau constate que :
- Le plein-jeu a été réduit à 3 rangs
- L'Unda Maris du positif a disparu pour faire place à une tierce, peut-être issue du carillon du récit
- Le Physharmonica a été remplacé par "une quinte de mauvaise qualité"
- Un rang du carillon du récit a disparu
- 30 dessus du basson 16 et 8 de la pédale ont été remplacés par des tuyaux en zinc à anches libres, de trop grosse taille.
Cet instrument a vu sa tuyauterie partiellement réemployée dans l'orgue suivant.
Orgue Jacquot-Lavergne (1959-1987)
La reconstruction de l'orgue de l'auditorium a fait l'objet de deux devis au moins, des maisons Jean Pascal (Lille) et Jacquot-Lavergne (Rambervillers). Il était placé sur l'estrade du grand auditorium, estrade actuellement vide. Cet orgue, installé en janvier 1959, Jeanne Joulain étant professeur d'orgue, aurait comporté une trentaine de jeux sur trois claviers et pédalier.
Projet Jean Cau
Nous n'avons pas trouvé la composition proposée par Pascal ou Jacquot-Lavergne ; en revanche, voici la composition envisagée par Jean Cau[3]. Les jeux neufs sont désignés par (n).
Grand orgue | Positif expressif | Récit expressif | Pédale |
Bourdon 16 - emprunt péd. | Cor de nuit 8 (du R) | Principal 8 (n) | Flûte 16 |
Montre 8 (= principal) | Prestant 4 (flûte 4 R retravaillée) | Viole de gambe 8 | Flûte 8 |
Bourdon 8 | Flûte douce 4 | Voix céleste 8 | Flûte 4 |
Flûte harm. 8 (ex-positif) | Nazard 2 2/3 (n) | Flûte ouverte 4 (n) | Bourdon 16 |
Prestant 4 | Doublette 2 | Plein-jeu III (n) | Bourdon 10 2/3 |
Flûte conique 4 (n) | Tierce 1 3/5 (n) | Trompette harm. 8 | Bourdon 8 |
Trompette 8 | Plein-jeu IV (2 rangs neufs) | Basson-Hautbois 8 | Bourdon 4 |
Clairon 4 | Clairon 4 (n) | Bourdon 2 | |
Basson 16 | |||
Basson 8 | |||
Basson 4 |
La composition ci-dessus figure dans les notes manuscrites d'une visite effectuée le 20 février 1951. Les participants étaient Jean Cau, Lavergne, Mlle Joulain et peut-être Loridan (facteur établi à Roubaix ; nom difficilement lisible). Jean Cau indique que les sommiers à membranes du GO et de la pédale sont à remplacer, alors que les sommiers mécaniques du positif et du récit seront conservés. Les transmissions tubulaires seront remplacées par une transmission électrique. La console Puget (séparée ?) sera remplacée par une console en fenêtre. Les jeux de pédale sont obtenus par extension (avec ajout de tuyaux aigus), ceux du bourdon étant entièrement empruntés au grand orgue.
Devis Jean Pascal
Ce devis ne nous est connu que par des observations communiquées en retour par Jean Cau. Il était de tendance nettement plus néo-classique, et prévoyait moins de réemploi de tuyauterie.
Réfection Jacquot-Lavergne
La maison Jacquot-Lavergne (Rambervillers, reprise par Danion-Gonzalez vers 1964) a présenté un devis prévoyant la fourniture de 7 jeux neufs. L'orgue, électrifié, conserve trois claviers dont deux expressifs. Le coût de l'opération s'élevait à 13 190 000 Fr, dont 6 000 000 financés par l'État. Inauguration par Marcel Dupré le 25 novembre 1959.
La composition réalisée était[4] :
I - Grand Orgue | II - Positif expr. | III - Récit expr. | Pédale |
---|---|---|---|
Bourdon 16 | Quintaton 16 | Diapason 8 | Soubasse 16 |
Montre 8 | Cor de nuit 8 | Flûte 8 | Basse 8 (ext.) |
Bourdon 8 | Salicional 8 | Gambe 8 | Flûte 4 (ext.) |
Flûte harm. 8 | Flûte douce 4 | Voix céleste 8 | Bombarde 16 (Récit) |
Prestant 4 | Nazard 2 2/3 | Flûte 4 | Trompette 8 (Récit) |
Doublette 2 | Quarte 2 | Flageolet 2 | Clairon 4 (Récit) |
Plein jeu III | Tierce 1 3/5 | Plein jeu IV | |
Hautbois 8 | Cromorne 8 | ||
Bombarde 16 | |||
Trompette 8 | |||
Clairon 4 |
Manuels de 61 notes, pédalier de 32 notes.
Combinaisons : Tirasses GO, P, R en 8' et 4'. Accouplements GO/GO, P/P, R/R, P/GO, R/GO, R/P ; tous en 16', 8' et 4'. Combinaisons (fixes ou ajustables ?) par clavier. Six combinaisons générales.
Le plein-jeu du grand orgue a été "remis au goût du jour" (néo-baroque) vers 1982 par Bernard Cogez[5].
Photo : Malaisy ; source : "Lille, portrait d'une cité", Paulette Legillon & Jacqueline Dion, éd. axial, 1975
En 1963, Jacquot-Lavergne présente du devis de 1500 F pour révision de l'ensemble des combinaisons et accord général.
En Octobre 1964 a lieu un échange de courrier entre Jean Cau et Georges Danion (la Sté Danion-Gonzalez ayant repris Jacquot-Lavergne cette même année), relatif à la remise en état de la façade qui avait été endommagée par des échafaudages de peintres, et au nettoyage de l'ensemble de la tuyauterie polluée par la peinture.
Dans une correspondance ultérieure (1° semestre 1965) on apprend :
Dans le plan d'urbanisme le conservatoire de Lille sera déplacé. Avec la participation de l’État il est prévu la construction d'un vaste ensemble Maison de Culture Nouveau Conservatoire, etc.. comportant Auditorium de 1600 places avec grand orgue et salle de conférences, concerts, récitals dans laquelle l'orgue actuel trouverait sa place et c'est alors que la façade actuelle dudit orgue pourrait être complètement refaite. [...] et de toute façon le Conservatoire actuel sera démoli.
La suite fut fort différente, puisque le conservatoire fut agrandi dans les années 1980, et l'auditorium fut conservé avec son orgue.
Transfert
L'orgue Jacquot-Lavergne a été démonté en 1987, en vue d'être remplacé par un instrument neuf (cf. infra). Cela lui a permis d'échapper à l'incendie de l'auditorium qui survint dans la nuit du 7 au 8 mai 1991. Cet orgue fut ensuite revendu à la paroisse Ste Jehanne de France (Le Passage d'Agen, 47520)[6][7].
Projet d'orgue neuf, 1987
État des lieux
Le 29 janvier 1987, deux étudiants de la classe d'orgue, Catherine Elyn et Freddy Eichelberger, s'adressèrent à Pierre Mauroy, Maire de Lille, pour lui exposer la situation en ces termes[8] :
La classe d'orgue du Conservatoire de LILLE se permet de vous informer de la situation extrême à laquelle elle est confrontée depuis quelques jours : nous sommes VINGT SEPT élèves à nous partager le SEUL orgue encore en état du conservatoire, soit un petit orgue d'étude d'un jeu, lorsqu'il n'est pas occupé par les cours de notre professeur Jean BOYER. L'orgue de l'Auditorium du Conservatoire qui, déjà, ne correspondait plus aux exigences actuelles de l'enseignement d'orgue, a achevé sa lente, mais irréversible, dégradation. Nous disposions également de l'orgue personnel de Mr Philippe LEFEBVRE et c'est sur cet instrument, seul digne de ce nom, que Mr Jean BOYER nous fait cours depuis septembre. Après quatre mois passés à l'Eglise SAINT ANDRE, malgré les températures avoisinant le 0°C en décembre, l'orgue a été transporté Place Philippe Lebon[9] où nous travaillons depuis janvier. Le vendredi 23 janvier, nous apprenions avec stupéfaction la rupture d'une canalisation à l'étage supérieur, place Philippe Lebon, et l'inondation de l'orgue, endommageant celui-ci suffisamment pour qu'il soit inutilisable. Cet évènement aura deux conséquences immédiates : * un préjudice causé à nous tous dans la préparation de l'examen semestriel ; * des conditions déplorables pour le stage de pédagogie organisé à LILLE, la semaine prochaine, par la Direction de la Musique. LILLE, en effet, a été choisie comme centre de préparation au C.A. d'enseignement d'orgue, ce qui est paradoxal compte tenu des orgues dont nous disposons mais très représentatif de la qualité de l'enseignement dispensé par notre professeur. Cet incident repose, une nouvelle fois, le problème des conditions d'existence et de travail de la Classe d'Orgue au Conservatoire de LILLE. Quant à l'instrument lui-même, nous sommes conscients de la difficile position de Mr Philippe LEFEBVRE, puisqu'il s'agit de son orgue personnel. C'est pourquoi nous nous permettons de demander, nous-mêmes, une intervention de votre part pour la réparation, la plus rapide possible, de cet orgue sans lequel la classe d'orgue ne fonctionnerait plus. [...]
Cet orgue était un orgue sans buffet à deux claviers et pédalier[10]. La réparation eut lieu, puisque les épreuves finales du cycle de perfectionnement s'en servirent encore, quelques années plus tard, au théâtre Sébastopol (pour les concerti de Haendel).
Cahier des charges
L'intention était de réutiliser le buffet, le sommier principal et (après transformation) la tuyauterie de l'orgue Merklin de l'église St Vincent de Paul, récemment démolie, orgue qui était entreposé dans les sous-sols du conservatoire.
De larges extraits du Cahier des Clauses Techniques Particulières sont reproduits dans cette page.
Ce projet fut adopté le 13/2/1987 (1° proposition) "sous réserve que la taille du buffet soit compatible avec l'instrument". Les facteurs d'orgues suivants devaient être consultés : Gaston Kern, Gérald Guillemin, Bernard Aubertin, et Jean-François Dupont.
Marché
Un orgue aurait été commandé auprès de Westenfelder, et partiellement exécuté par celui-ci (sommiers). On ne sait pas grand-chose des vicissitudes de ce projet, ni du devenir du Merklin de St Vincent de Paul et de son buffet. La niche au fond de l'estrade de l'auditorium est vide depuis cette époque.
Organistes
Voir sur cette page : Lille, Conservatoire de musique et de danse, la liste des professeurs.
Sources
- L'Orgue n°290, pp. 70-71
- Mémoire (1986) de Roland Servais sur la manufacture Delmotte
- Notes sur le orgues, Marcel Dupré ; cote RES VM DOS-226, BnF