Tourcoing, St Louis : inauguration

De Orgues en Hauts-de-France
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On lit dans le Journal de Roubaix, édition du 7 décembre 1899 :

Bénédiction et inauguration des orgues de l'église St Louis

La coquette église St Louis va être, grâce à l'initiative infatigable de M. l'Abbé Descamps, curé de la paroisse, dotée de nouvelles orgues. L'instrument a été fourni par la maison J. Bourcet & Cie, ayant son siège boulevard Gambetta et ses ateliers à Halluin. Des artistes émérites prêteront leur concours à cette cérémonie sur les détails de laquelle nous aurons l'occasion de revenir". Puis, le samedi 9 décembre 1899 : "L'inauguration de l'orgue de St Louis Nous avons annoncé aux amateurs de bonne musique qu'une audition très intéressante sera donnée en l'église St Louis, mercredi prochain, 13 décembre, à l'occasion de l'inauguration des orgues. M. Bourcet, le facteur français avantageusement connu du monde artistique parisien, et qui a organisé cette séance en parfait connaisseur, nous communique le programme définitivement arrêté. Voici d'abord le nom des artistes de choix dont il s'est assuré le gracieux concours : MM. Auguez, de l'Opéra, professeur au conservatoire de Paris ; P. Fauchey, organiste à St Thomas d'Aquin, chef des chœurs de la Société des Concerts du Conservatoire ; Robert, harpiste solo de l'Opéra ; Marneff, violoncelliste solo des concerts Lamoureux ; Thibault, ténor des Concerts Colonne ; Letorey, organiste compositeur, 1er grand prix de Rome ; Joly, organiste de St Louis. Voici ensuite le programme de l'audition : 1.    Bénédiction de l'orgue ; 2.    Marche d'Athalie par M. Joly, Mendelssohn ; 3.    Hymne à la Trinité, par MM. Auguet, Marneff et Robert ; 4.    Allegro et toccata [de la] 5° symphonie, par M. Letorey, Widor ; 5.     A - Aria, pour violoncelle, par M. Marneff, Bach ; B - Hymne à Ste Cécile, par MM. Marneff et Robert, Gounod ; 6.    Jérusalem de Gallia, par M.Thibault, Gounod ; 7.    Magnificat, versets improvisés par M. Fauchey [sic]. Salut : 8.    Improvisation, par M. Letorey ; 9.    Panis Angelicus, par Thibault, Fauchey ; 10.    Ave Maria, par M. Auguez, Niedermayer [sic] ; 11.    Tantum ergo, Bénédiction. 12.    Laudate, par MM. Thibault et Auguez, Adam ; 13.    Sortie pour orgue, Fauchey. Cette audition réunira le double caractère de l'art et de la charité : il a été décidé en effet que les places seraient payantes et que le produit des billets serait affecté aux pauvres du quartier si déshérité de St Louis. [...] Prix : grande nef, 5 Fr. ; nefs latérales, 2 Fr."

Enfin, même journal daté du 15 décembre 1899 :

L'inauguration des orgues à l'église St Louis, à Tourcoing

C'est mercredi après-midi qu'au eu lieu, en l'église St Louis, la cérémonie faite à l'occasion de l'inauguration des nouvelles orgues. Les nefs spacieuses de la coquette église étaient trop exigües pour contenir une assistance aussi élégante que sélecte. Cette solennité imposante a été, au dire des dilettanti - (et combien s'en trouvaient-ils) - un véritable succès pour la musique religieuse qu'il nous a été donné d'entendre. Il est vrai que les morceaux qui figuraient au programme étaient, pour chaque partie individuelle, chant, orgue, harpe, des œuvres de choix et presque toutes de noms de maëstri bien connus. Ajoutons que les interprètes de ces auteurs de renom possédaient un réel talent. La cérémonie a commencé par la bénédiction des orgues donnée par M. le chanoine Vanbockstael, curé-doyen de la paroisse St Christophe, accompagné de M. l'abbé Descamps, curé de l'église St Louis. En passant, donnons quelques détails sur ces nouvelles orgues. Elles sortent de l'atelier de M. Bourcet, d'Halluin, et sont de forme élégante. Nous ne sommes plus au commencement du XV° siècle, où la différence des registres était peu ou point connue. On ne trouvait guère que le registre de la trompette, celui de la voix humaine et le tremblant. Aujourd'hui, grâce aux progrès de la physique et de l'étude des lois de l'harmonie, nous possédons l'instrument perfectionné avec tous ses registres distincts et ses différents timbres d'instrument. Les orgues de l'église St Louis possèdent toutes ces parties perfectionnées et nous avons pu remarquer la clarté de son du hautbois. Les basses seraient meilleures si elles n'étaient pas aussi sourdes. Cela tient peut-être à la nouveauté de l'instrument. M. Joly, l'organiste de l'église, a le premier inauguré les orgues par la magnifique marche d'Athalie de Mendelssohn. Cette musique toute caractéristique par sa phrase mélodique, qui est rythmée d'une façon originale, est reconnaissable entre toutes. Dans Athalie comme dans Antigone, Mendelssohn a donné libre cours à son culte pour Bach et Haendel. M. Joly a su l'interpréter d'une façon spéciale. Un numéro qui a certainement fait courir un frisson dans l'âme des auditeurs est l'Hymne à la Trinité. M. Auguez, de l'Opéra, professeur au conservatoire de Paris, possède une voix pleine de baryton-basse au timbre chaud et vibrant. L'accompagnement original n'était composé que d'arpèges de harpe de concert avec le hautbois et les accords soutenus de l'orgue, la voix planant et qui semble invoquer la Trinité. L'allegro et la toccata, de la 5° symphonie de Widor, morceaux de prédilection des organistes, ont fait valoir l'admirable talent de M. Letorey, 1er grand prix de Rome. Dans la première partie nous nous sommes plu à reconnaître le jeu subtil, la netteté des staccati, en même temps que l'accompagnement finement détaillé. Le passage de la rentrée de flûtes pour amener la phrase thème a surtout été remarqué. Dans la Toccata,  nous rencontrons un mécanisme achevé et un très beau sentiment de nuances. M. Letorey a rendu de façon charmante la musique toute d'élégance et si variée de style et d'inspiration qu'est celle de Widor. Jérusalem de Gounod, a été interprété de façon exquise par M. Thibault, ténor des concerts Colonne. Cette page de Gallia, opéra de notre grand génie Gounod, à la phrase mélodique et rêveuse, et au style tissé d'or et de perles, a fait ressortir les qualités qui distinguent M. Thibault : une voix très posée, passant sans difficulté aucune d'un registre à l'autre, une diction impeccable. Signalons l'accompagnement à l'orgue composé d'accords plaqués et répétés avec les renversements. Il ne nous était pas encore arrivé d'entendre de l'improvisation comme celle due au réel talent de M. Fauchey, organiste à St Thomas d'Aquin, chef des chœurs de la Société des Concerts du Conservatoire. Ses versets improvisés du Magnificat révèlent l'artiste qui n'ignore rien des lois de l'harmonie, et qui sait se servir de l'inspiration musicale et d'une grande variété d'idées. Dans ces versets, nous avons été frappé par le thème joué en notes répétées, et trilles à la main droite pendant que la phrase chantante grave et sonore était jouée par la main gauche. Dans un autre verset, sur une seule note dominante tenue pendant plusieurs mesures, le thème se jour d'abord seul ; ensuite d'autres variations commencent avec arpèges scandés à la main gauche. Ces différentes fioritures commencées dans le piano, passent par toutes les différentes sonorités jusqu'au fortissimo où le thème éclate alors dans toute la richesse et la force de sa phrase. Un Panis Angelicus, chanté par M. Thibault, est très apprécié. La facture en est sévère et originale en même temps. On entend percer, pendant le chant très phrasé, des accords brisés de harpe qui durent jusqu'à la fin où hautbois et chant reprennent alors à l'unisson. L'Ave Maria [de] Niedermeyer, détaillé par Auguez, donne une idée de la musique savante et difficile de l'auteur de Stradella. Ce morceau a un cachet tout particulier. Qu'y a-t-il en effet de plus émouvant que ce Sancta Maria lancé comme une ardente supplication ? Un morceau de grande envergure, le Laudate d'Adam, a eu pour dignes interprètes MM. Thibault et Auguez, qui ont su en faire valoir le style riche et nourri. Avant de terminer ce succinct compte-rendu sur cette belle manifestation de musique religieuse, nous tenons à féliciter très sincèrement M. Robert, solo harpiste de l'Opéra, qui a révélé de brillantes qualités. Au risque de blesser sa modestie, nous devons des remerciements à M. l'abbé Descamps, le zélé curé de Saint-Louis, dont la louable idée a eu comme conséquence la glorification de la musique religieuse. E. P.-R.

Le journal "L'Avenir de Roubaix-Tourcoing", d'une tout autre obédience, conteste vivement, le 16 décembre, l'affluence décrite ci-dessus et précise que l'église avait reçu "à peine 200 personnes" dont plus de 150 étaient entrées "à l'œil"... au grand dam des pauvres (sans compter que les "pauvres" non inscrits au bureau de bienfaisance ne recevraient rien).